- BENTHIQUE (VIE)
- BENTHIQUE (VIE)Les fonds marins, depuis la ligne de rivage jusqu’aux plus grandes profondeurs de l’Océan, constituent le domaine benthique , par opposition au domaine pélagique, représenté par l’ensemble des eaux qui surmontent les fonds. Les organismes, végétaux ou animaux, qui vivent sur le substrat ou dans le substrat, ou même qui nagent dans son voisinage immédiat, forment le benthos .Bien entendu, les végétaux chlorophylliens, capables d’édifier les matières organiques à partir de matières minérales, ne peuvent exister que dans les fonds auxquels parvient un éclairement suffisant pour permettre la photosynthèse. Ces fonds constituent le système littoral, appelé aussi, puisqu’il est caractérisé par la présence de végétaux, le système phytal. Par opposition à celui-ci, on appelle système profond, ou aphytal, l’ensemble des fonds depuis la limite inférieure de la végétation jusqu’aux plus grandes profondeurs de l’Océan (11 500 m environ).1. Rapports des organismes avec le substratLes rapports des êtres benthiques avec le substrat dépendent largement de la nature de celui-ci. Le fond peut être dur (roche, quais, coques de bateaux) ou meuble (sable, sable vaseux, vase). Les galets et les graviers peuvent être rangés dans l’une ou l’autre catégorie suivant les mouvements dont ils sont agités: un fond de galets dans un endroit calme sera l’équivalent d’un substrat dur, à ceci près que les interstices entre les galets ménageront des espaces propres à être peuplés, alors que de pareils galets remués par les vagues auront la valeur d’un substrat meuble.Bien que les végétaux ne puissent en principe vivre que sur le fond, puisqu’ils ont besoin de lumière, certaines algues unicellulaires s’y enfoncent quelque peu. Ainsi des algues bleues peuvent forer la pellicule superficielle des roches calcaires et des diatomées peuvent vivre dans les premiers millimètres de l’épaisseur des fonds sableux, si du moins leurs grains sont suffisamment grossiers pour laisser pénétrer dans leurs interstices un éclairement suffisant. Alors que presque toutes les Phanérogames marines vivent enracinées dans les fonds meubles, la plupart des Algues se fixent sur des substrats rocheux, ou encore les unes sur les autres (épiphytisme).Faune épigéeUne part importante de la faune marine benthique vit à la surface du substrat; les espèces qui mènent ainsi une vie «épigée» constituent ce qu’on appelle l’épifaune. Ces animaux, dits épibiontes , se répartissent en formes à mobilité élevée, ou vagiles, en formes sédentaires, de mobilité plus réduite (de quelques mètres à quelques dizaines de mètres), et en formes fixes.Formes fixesNombreuses surtout sur les substrats durs, à la surface desquels elles sont attachées, les formes fixes sont dites sessiles: ce sont la plupart des Éponges, des Hydroïdes, des Anthozoaires, des Bryozoaires, diverses Annélides Polychètes (Serpulides, par exemple), divers Mollusques Bivalves (huîtres, moules, Chama , spondyles) et Gastéropodes (vermets), Crustacés Cirripèdes, Ascidies. Ces formes sessiles se rencontrent aussi sur les végétaux (Phanérogames et grandes algues) et sur les parties mortes des colonies de certains Invertébrés (Coraux, Gorgones, grands Hydroïdes, grands Bryozoaires). Sur les fonds meubles, les formes fixes sont beaucoup moins nombreuses. Certaines ne s’y trouvent que parce que la larve ou le jeune a rencontré un petit fragment dur où elle s’est attachée. Mais diverses espèces s’implantent sur les fonds meubles, soit par des sortes de racines superficielles (rhizoïdes), soit encore par un enfoncement dans le substrat de la partie inférieure du corps (Anthozoaires du groupe des Pennatulaires, et probablement aussi certains Crinoïdes pédonculés).Formes sédentairesLes formes sédentaires peuplent plus volontiers, elles aussi, les substrats durs que les substrats meubles. Sur les premiers, elles sont représentées surtout par des formes rampantes: Mollusques (Polyplacophores, Gastéropodes), oursins réguliers, astéries, tous animaux qui, surtout dans les niveaux superficiels plus ou moins intéressés par les vagues, ont un pouvoir adhésif élevé qui leur permet de ne pas être arrachés du support. Sur les fonds meubles, au contraire, où ce risque est moindre, les formes rampantes (quelques astéries, quelques Gastéropodes) sont peu nombreuses et les formes marcheuses (Annélides, Pycnogonides, Crustacés surtout) dominent; ces derniers combinent d’ailleurs assez souvent la marche et la natation. Une catégorie particulière de sédentaires, où se trouvent réunis à la fois des glisseurs (essentiellement des Gastéropodes) et des marcheurs grimpeurs capables de nager sur de petites distances (principalement des Pycnogonides et des Crustacés), correspond aux formes sédentaires liées aux végétaux ou aux colonies d’Invertébrés.Formes vagilesLa mobilité élevée des formes vagiles les rend parfois capables de véritables migrations, notamment en fonction des variations saisonnières de température des eaux voisines du fond. Ce sont en général des animaux d’assez grande taille: Crustacés Décapodes, Céphalopodes, Poissons.Faune endogéeÀ l’opposé de cet ensemble de la faune épigée, on trouve tout un ensemble de formes endogées (endofaune), c’est-à-dire qui se logent dans l’intérieur du substrat et qui sont, évidemment, foreuses lorsque celui-ci est dur et fouisseuses lorsqu’il est meuble.Les espèces animales foreuses creusent les roches, la plupart du temps calcaires: les Éponges du genre Cliona agissent sans doute par dissolution chimique, les Annélides Polydora et la plupart des Bivalves paraissent mettre en œuvre des procédés mécaniques. Certains Bivalves du genre Pholas , dont une partie de la coquille a l’aspect d’une véritable lime, peuvent aménager leur logette jusque dans des marnes très compactes. Les bois immergés sont forés par les tarets, Mollusques Bivalves devenus vermiformes, mais aussi par des Crustacés (Limnoria , Chelura ).Les animaux fouisseurs, infiniment plus nombreux, appartiennent aux groupes zoologiques les plus variés. Ce qu’on pourrait appeler leur «degré d’intimité» avec le sédiment est assez variable. Dans certains cas, l’animal enfoui se trouve en contact direct avec le sédiment que sa présence ne modifie pas; c’est le cas de presque tous les Bivalves fouisseurs (coques, praires, palourdes), de certaines Annélides comme les glycères, et aussi de divers Crustacés ou Échinodermes, par exemple divers oursins irréguliers du groupe des Spatangues. Dans d’autres cas, l’animal fouisseur aménage au sein du sédiment un véritable terrier aux parois «cimentées» par du mucus; c’est le cas de l’arénicole des pêcheurs, très commun sur nos côtes, de nombreux Vers du groupe des Échiurides, de divers Crustacés, par exemple l’amphipode Corophium , des gébies, des callianasses, et enfin de certains oursins irréguliers comme les Echinocardium. Très généralement, les animaux fouisseurs restent en communication avec la surface du sédiment par un ou plusieurs orifices permettant la circulation, dans le terrier, de l’eau qui apporte les particules nutritives microscopiques et l’oxygène dissous nécessaire à la respiration. Le mécanisme de fouissage dépend des groupes: les Crustacés fouissent avec leurs pattes thoraciques, les pattes abdominales servant à chasser les déblais; les oursins irréguliers et les astéries fouisseuses (Astropecten ) utilisent leurs piquants; les Mollusques et beaucoup de Vers, notamment les Échiurides, fouissent en gonflant et dégonflant leur corps tout entier (Vers) ou une partie de celui-ci («pied» des Mollusques).Dans les substrats meubles enfin, il faut distinguer une catégorie d’animaux généralement désignée sous le nom de «microfaune», car elle englobe des espèces de petite taille (moins de 2 mm). Les éléments dominants sont les Nématodes et divers groupes de Crustacés: Copépodes, Mystacocarides, Ostracodes, très petits Isopodes. Contrairement à la macrofaune fouisseuse, dont les représentants ne cherchent dans le sable ou la vase qu’un abri, mais restent tributaires de la surface du sédiment, ou de l’eau sus-jacente, pour la collecte de leur nourriture, les espèces de la microfaune dépendent exclusivement du milieu interstitiel lui-même, c’est-à-dire du milieu constitué par le sédiment et par l’eau qui l’imprègne.D’une façon générale, dans les substrats meubles, le problème de la place disponible pour les espèces fouisseuses ne se pose guère, et l’étagement en épaisseur sur quelques centimètres (ou parfois sur un petit nombre de décimètres) des individus d’une espèce ou de diverses espèces permet des densités de population importantes. En revanche, sur les substrats durs, le problème se pose, car les espèces foreuses sont, en définitive, relativement peu nombreuses, alors que les sessiles et les sédentaires constituent l’essentiel du peuplement végétal et animal des substrats rocheux. C’est seulement dans les grands fonds, ou dans des cas très particuliers (par exemple, lorsque des roches peu profondes sont baignées par des eaux très agitées), que le taux de couverture d’un substrat solide peut être faible; partout ailleurs il y a occupation à 100 p. 100. Ce problème de la place disponible devient si critique que les espèces sont amenées parfois à s’installer les unes sur les autres: par exemple un Invertébré colonial (Hydroïde, Bryozoaire, Ascidie composée) peut se fixer sur une autre espèce déjà fixée sur la roche elle-même; on dit alors qu’il y a épibiose du second degré et il y en a d’innombrables exemples surtout quand l’espèce support est un végétal multicellulaire. Un autre procédé dont disposent les espèces sessiles, végétales ou animales, pour avoir une large surface d’échange avec le milieu extérieur tout en n’occupant qu’une faible surface du substrat, est de prendre une forme dressée (ou pendante) et même ramifiée. Bien entendu, ces formes fixées au substrat par une faible base, qu’elles soient ramifiées ou non, offrent au mouvement des eaux, et notamment des vagues, une surface importante; il en résulte que, dans les stations des niveaux supérieurs, où l’agitation est forte, elles sont moins nombreuses que les formes aplaties en croûte ou en dôme, qui offrent moins de prise à l’arrachement; certaines formes dressées ou ramifiées résolvent le problème de la résistance à l’agitation des eaux grâce à leur consistance cornée ou même souple, ce qui leur permet de plier sans rompre.Une fois qu’ils ont trouvé une place sur ou dans le substrat, les êtres benthiques se heurtent à deux problèmes: se nourrir et se reproduire.2. Collecte de la nourritureSes modalités sont infiniment variées chez les animaux benthiques. On peut distinguer sommairement deux grandes catégories, les macrophages et les microphages, suivant que la taille des proies est relativement importante par rapport à celle de l’espèce considérée, ou qu’il s’agit au contraire de proies microscopiques.MacrophagesLes macrophages se rencontrent surtout parmi les espèces relativement mobiles: Poissons, grands Crustacés Décapodes, Mollusques Céphalopodes, qui chassent, ou guettent à l’affût, des proies très diverses. Les Poissons benthiques se nourrissent le plus souvent de Mollusques (surtout Bivalves), d’Annélides Polychètes et de Crustacés; les Crustacés Décapodes macrophages mangent plutôt des Vers ou d’autres Crustacés, et parfois aussi des Éponges ou des Échinodermes; les Céphalopodes (poulpes, seiches) se nourrissent surtout de Crustacés Décapodes. La macrophagie se rencontre parfois chez des espèces sédentaires ou même fixées: par exemple, beaucoup d’Actinies happent au passage le crustacé ou le poisson imprudent qui est venu nager trop près de leur bouquet de tentacules garnis de cellules urticantes dont le venin paralyse la proie. De nombreux Gastéropodes (pourpres, Murex ) perforent, afin de les dévorer, la coquille d’autres Mollusques. La plupart des cônes, gros Gastéropodes tropicaux dont la belle coquille est très recherchée des collectionneurs, arrivent à paralyser et à ingérer entiers de gros Vers et Mollusques, et même des Poissons. La prédation aux dépens d’animaux relativement volumineux existe enfin, parmi les Invertébrés sédentaires, chez bon nombre d’étoiles de mer: ainsi les grosses Asterias à surface verruqueuse, communes sur nos côtes, se nourrissent de Bivalves dont elles entrebâillent légèrement la coquille avec leurs bras, afin d’y introduire leur estomac; projeté à l’extérieur, celui-ci digère littéralement la victime au sein même de sa coquille. Certains de ces macrophages carnivores peuvent parfois, quand les proies vivantes manquent, se rabattre sur des cadavres.On peut aussi, à la rigueur, ranger parmi les macrophages les animaux brouteurs; ceux-ci peuvent vivre aux dépens soit de végétaux, soit d’animaux coloniaux, pas tellement différents, après tout, des végétaux quant à la passivité, puisque les naturalistes du début du XIXe siècle les appelaient les zoophytes. À vrai dire, les brouteurs de végétaux s’adressent le plus souvent à des algues microscopiques et sont donc plus à leur place parmi les microphages. Cependant divers Gastéropodes Opisthobranches, sans coquille ou à coquille, sont des brouteurs de grandes algues; par exemple, les aplysies, que leurs expansions céphaliques semblables à des oreilles ont fait surnommer «lièvres de mer», consomment des algues rouges et certains Nudibranches consomment des algues vertes (Codium , Entéromorphes); de même bon nombre d’Oursins réguliers, et notamment les Echinus et les Paracentrotus comestibles de nos côtes, sont des mangeurs d’algues. C’est surtout aussi parmi les Gastéropodes Opisthobranches que l’on trouve les brouteurs d’Invertébrés, qui tondent littéralement les petits individus des colonies d’Hydraires, d’Alcyonaires, de Bryozoaires, d’Ascidies composées. Quelques étoiles de mer paraissent être brouteuses d’Éponges.MicrophagesEn ce qui concerne les animaux benthiques microphages, la question qu’on doit se poser tout d’abord est celle de la nature des proies. Celles-ci peuvent être constituées, bien sûr, de tous les végétaux et animaux vivants de très petite taille, depuis de petits Invertébrés ou des larves jusqu’aux Bactéries, en passant par tous les Protistes. Mais il faut encore savoir si ces microphages peuvent aussi tirer parti des particules organiques mortes ou même des matières organiques en solution. L’utilisation de ces dernières paraît à l’heure actuelle à peu près prouvée dans un petit nombre de cas. Celle des particules figurées mortes reste douteuse et on estime assez généralement que leur assimilation par le tube digestif des microphages porte sur les Bactéries saprophytes, vivant aux dépens de ces matières organiques, plutôt que sur la matière organique morte elle-même.Pour la collecte des proies microscopiques, le problème se pose un peu différemment chez les formes sédentaires et chez les formes fixes. Pour les espèces fixes (sessiles ou pivotantes) le système de l’attente passive, assez peu répandu, implique que l’animal vive dans des eaux agitées, donc suffisamment renouvelées. C’est le cas des Coraux (Hydrocoralliaires et Madréporaires) qui construisent les récifs côtiers des mers tropicales; les polypes, exclusivement carnivores, étalent leurs tentacules (quand ils en possèdent) et les petits Crustacés qui viennent à toucher l’un de ceux-ci sont paralysés et ingérés; chez les Coraux où les tentacules sont atrophiés, il y a une ciliation dont les battements font converger les courants vers la bouche et l’attente des proies ne peut plus être considérée comme tout à fait passive.Le procédé de collecte par un courant d’eau entraînant les particules vers la bouche existe chez d’autres Invertébrés, notamment certains oursins irréguliers fouisseurs (Scutellidés) ou encore chez des Annélides Polychètes (Spionidés). Ces dernières ont deux longs palpes parcourus par une gouttière au fond de laquelle les particules cheminent vers la bouche, en même temps qu’elles sont engluées par du mucus. Le procédé qu’on pourrait appeler «d’engluage» se retrouve assez souvent; par exemple, chez d’autres Polychètes (Térebellidés) qui portent, en arrière de la bouche, un bouquet de longs filaments rétractiles et gluants sur lesquels les particules se collent; l’animal rétracte ensuite les tentacules qu’il a laissé flotter dans l’eau ou traîner dans le fond et la bouche peut récupérer les proies. Certains Gastéropodes sessiles du groupe des vermets sécrètent dans l’eau une sorte de nappe de mucus gluant sur laquelle se fixent les particules en suspension; quand l’animal estime que la nappe est suffisamment garnie, il l’avale entière avec tout ce qui y adhère.La plupart du temps, le procédé de collecte par courant d’eau entraînant des particules nutritives est complété par un système de filtration qui emploie grosso modo deux systèmes différents: le panier et le tamis.Chez certains animaux, en effet, le courant d’eau est relativement faible et, pour compenser, la collecte des particules est assurée sur une large surface, quoique de façon assez imparfaite. C’est ainsi que procèdent, par exemple, les Polychètes Serpulidés et Sabellidés, chez lesquelles le segment du corps qui entoure la bouche porte une sorte de panache de filaments munis de branches latérales, ou pinnules. Les cils vibratiles qu’ils portent attirent l’eau au centre de cette sorte de panier; lorsqu’elle sort en passant entre les ramifications des filaments, cette eau tiède cède au passage les particules, qui sont conduites, enrobées de mucus, vers la bouche; elle cède aussi l’oxygène dissous, nécessaire à la respiration. Un dispositif analogue existe chez les holothuries à bras buccaux ramifiés comme les Cucumaria , chez les Hydraires et les Bryozoaires, chez les Crinoïdes; le panache de cirres battant rythmiquement des Crustacés Cirripèdes (anatifes, balanes) fonctionne aussi à peu près de même.Le système du tamis est beaucoup plus efficace. Il consiste à diriger un courant d’eau, généralement plus intense et bien délimité, sur une véritable grille filtrante à mailles serrées constituée par la branchie, au niveau de laquelle il y a toujours, à la fois, échange des gaz impliqués dans la respiration et arrêt des particules alimentaires qui sont enrobées de mucus et conduites à l’entrée du tube digestif par des courants ciliaires. C’est ainsi que procèdent notamment les Mollusques Bivalves et aussi les Ascidies; les uns et les autres possèdent deux siphons distincts, l’un pour l’eau inhalée, l’autre pour l’eau rejetée, et des dispositifs divers qui permettent d’arrêter et de rejeter les particules impropres à servir de nourriture de par leur taille ou même de par leur nature.La collecte par filtration a été étudiée avec un soin particulier chez les Bivalves et l’on peut y distinguer deux groupes, suivant que l’aspiration porte sur des particules qui sont en suspension dans l’eau, comme chez les moules, les coques (Cardium ), les praires (Venus ), ou au contraire sur des particules et des organismes microscopiques se trouvant dans la pellicule toute superficielle du sédiment qui est collectée par un siphon inhalant long et flexible que l’animal (tellines, scrobiculaires) promène autour de son gîte comme s’il employait le tuyau d’un aspirateur.Sont encore microphages les brouteurs d’algues unicellulaires comme divers Mollusques Gastéropodes (patelles, gibbules, calliostomes) et Polyplacophores (chitons) qui rampent lentement sur la roche, ou sur les grandes algues, et râpent la couverture végétale microscopique (diatomées, petites algues vertes ou bleues) qui revêt le substrat.Enfin, parmi les utilisateurs des particules organiques du sédiment, certains, la Polychète Ophelia , les holothuries synaptides, sont appelés limivores (mangeurs de boue). Ils ingèrent le sédiment sans tri préalable et leur muqueuse intestinale se charge de prélever au passage ce qui est assimilable. Quelques crabes des côtes tropicales (Ocypode , Dotilla ) malaxent avec leurs pièces buccales de petites masses de sédiment qu’ils rejettent après en avoir épuisé la nourriture, sous forme de petites boulettes qui entourent l’orifice de leur terrier. Certaines petites espèces de Crustacés, notamment dans le groupe des Cumacés, sont même, à proprement parler, des «lécheurs de sable», car elles roulent dans leurs pièces buccales les grains de sable un à un, pour récupérer leur couverture d’algues microscopiques et de bactéries; ces lécheurs de sable sont liés à des sédiments dont les grains ont des dimensions telles qu’ils puissent être manipulés efficacement.3. Reproduction et développement larvaireQuand une espèce benthique a résolu ces deux problèmes, trouver à «se loger» et trouver une nourriture convenable en qualité et en quantité, il lui reste à assurer l’avenir, c’est-à-dire à se reproduire; pour cela deux procédés sont possibles, la multiplication asexuée et la reproduction sexuée.La multiplication asexuée est un processus relativement simple et, dans l’immense majorité des cas, plus rapide que la sexualité. Elle existe chez d’assez nombreuses algues unicellulaires, ou même supérieures, ainsi que chez certaines Phanérogames marines. Chez les animaux, elle caractérise bien entendu toutes les formes coloniales (Hydroïdes, Alcyonaires, Zoanthaires, Bryozoaires, Ascidies composées), mais aussi certaines formes dites sociales, chez lesquelles les individus sont seulement juxtaposés (diverses Polychètes, Phoronidiens, certaines Ascidies). La multiplication asexuée, répandue surtout parmi les formes sessiles, représente un processus avantageux pour l’occupation d’une surface maximale du substrat dans le minimum de temps.La reproduction sexuée implique des mécanismes autrement complexes et délicats. Et, tout d’abord, il faut que l’individu se trouve dans une ambiance favorable, du point de vue de divers facteurs du milieu, notamment la température. Il y a des marges thermiques, souvent assez limitées, qui conditionnent toutes les phases de la reproduction sexuée: la maturation des produits sexuels, leur émission dans le milieu extérieur s’il n’y a pas accouplement, la fécondation, et, de façon plus stricte encore, les premiers stades du développement de l’œuf fécondé. Ainsi s’explique la distribution géographique des espèces, pas seulement benthiques du reste, dans les mers froides, chaudes, tempérées (ces dernières caractérisées par des écarts saisonniers plus ou moins importants de la température). Ainsi s’explique aussi que la plupart des espèces ne se reproduisent qu’à une période déterminée de l’année, période qui correspond justement aux températures optimales des phases initiales de la reproduction énumérées précédemment. Chez les espèces benthiques, l’hermaphrodisme est assez répandu, surtout parmi les formes fixes; il est évident que le rendement de la reproduction sexuée s’en trouvera doublé, bien que la fécondation croisée demeure la règle.Une fois que les œufs ont été fécondés et que l’embryon a commencé à se développer, le problème de l’avenir de l’espèce n’est pas résolu pour autant. Évidemment, chez les espèces vivipares, ou chez celles dites à développement direct, espèces dont les jeunes sont identiques, à la taille près, à leurs géniteurs, ces jeunes se trouvent ipso facto libérés dans un milieu convenant à l’espèce puisque les géniteurs ont pu y vivre et s’y reproduire. Toutefois il faut souligner que cette sécurité relative du développement a une contrepartie dans le fait que, chez ces espèces, la fécondité est toujours assez faible. La plupart du temps, les œufs ont été libérés dans le milieu, soit qu’ils flottent au voisinage de la surface, soit qu’ils soient déposés sur le fond, groupés ou non en pontes (parfois protégées par des dispositifs divers). Au cours d’une première phase de développement, l’embryon vit aux dépens des réserves de l’œuf; puis celui-ci éclôt et il en sort une larve, dont souvent la morphologie diffère profondément de celle de l’individu parfait, et qui mène pendant un temps plus ou moins long (de quelques heures à quelques mois) une vie planctonique; arrivées au terme de leur vie planctonique, ces larves subissent une métamorphose, à la fois morphologique, écologique (passage de la vie pélagique à la vie benthique) et physiologique (portant en particulier, le plus souvent, sur un profond changement du régime alimentaire).Ces larves, pour croître, se nourrissent généralement aux dépens d’autres organismes du plancton, mais il arrive aussi qu’elles se bornent à achever de consommer, au cours de leur vie pélagique, les réserves que l’organisme maternel avait accumulées dans l’œuf. Dans ce dernier cas, le «stage» dans le plancton correspond pour l’espèce à une phase de dispersion: les larves, transportées par les courants, peuvent étendre l’aire de distribution de l’espèce, pour autant qu’elles rencontrent, au moment de leur métamorphose, les conditions de milieu favorables à la vie des individus parfaits, notamment en ce qui concerne la nature du substrat; les œufs, qui doivent être riches en réserves, sont gros et la fécondité sera donc faible. Dans le premier cas, au contraire, le stage planctonique correspond non seulement à des possibilités de dispersion de l’espèce (d’ailleurs beaucoup plus importantes, puisque le stage est plus long), mais encore à un accroissement de taille de la larve; dans ce cas les œufs peuvent être petits car la larve, pour atteindre la taille correspondant à la métamorphose, tire sa nourriture du milieu extérieur, et non plus seulement des réserves de l’œuf; l’ovaire peut donc introduire un plus grand nombre d’œufs; la fécondité est élevée.Ce type de développement – larves séjournant longuement dans le plancton et s’y nourrissant – est évidemment plein de dangers, car plus les larves restent longtemps dans le plancton, plus elles risquent d’y rencontrer des conditions de milieu défavorables (variations de température, de salinité), plus elles risquent aussi d’être entraînées par les courants loin des fonds propices à leur métamorphose et plus elles risquent d’être victimes d’autres animaux vivant dans le plancton, ou encore de ne pas trouver dans ce plancton, à un moment ou à un autre, la nourriture qui leur convient. Malgré tous ces inconvénients, qui entraînent parfois une «mortalité infantile» absolument extravagante et qui justifie le nombre prodigieux d’œufs produits par certaines espèces, le type de développement avec stage pélagique prolongé offre des avantages tels, du point de vue de la dispersion et de l’accroissement individuel des larves, qu’il est le plus répandu; dans les mers tempérées, les espèces à larves séjournant longtemps dans le plancton et s’y nourrissant représentent environ les quatre cinquièmes de l’ensemble de la faune benthique, et la proportion est plus forte encore dans les mers tropicales; c’est seulement dans les mers polaires, où la pullulation du plancton est brève, que ces espèces sont minoritaires par rapport aux formes à développement direct ou incubatrices.
Encyclopédie Universelle. 2012.